Sud Kivu, des hommes qui se démarquent dans leurs comportements

05-05-2018 10:10:15

« Il y a des mois, mon mari n'avait aucune considération envers moi, je ne savais pas combien il avait comme salaire, chaque soir, il rentrait ivre, il ne faisait que courir derrière d'autres femmes au moment où moi, avec mon petit commerce des légumes, tomates, piments ; je m'occupais seule de toutes les charges de la maison. Faire étudier les enfants, chercher à manger et autres dépenses quand les enfants sont malades, j'étais la seule à les faire. Mais aujourd'hui après les formations de Living Peace, j'ai retrouvé mon mari, qui désormais me montre son salaire et nous planifions tous ensemble. Il n'hésite pas à m'aider à accomplir certaines tâches, je suis vraiment heureuse» tels sont les propos d'une Femme d'un policier de la commune de Bagira dans la ville de Bukavu, les formations dispensées par Living Peace et dont a bénéficié son mari policier.

Dans le cadre de ses activités qui ont trait à la formation du personnel du secteur de la santé, de la police, de l'armée ; l'organisation sans but lucratif, Living Peace Institute dévouée à l'égalité et la prévention de la violence basée sur le genre, a organisée une série des formations étalées sur 15 semaines, au camp de la police Jules Moké dans la commune de Bagira. Des formations en faveur de certains éléments de la police sur la transformation de leurs attitudes et comportement au niveau individuel, familial, et communautaire ; en apportant une assistance psychosociale à l'homme, en cultivant en lui une masculinité positive à travers les groupes de thérapie pour homme.

Madame Sandra Sakina, formatrice explique: « au départ ils étaient 100 policiers mais au bout de 15 semaines de formations, seuls 85 sont arrivés jusqu'à la fin. Nous visons des hommes qui sont agresseurs et violents. Les 15 semaines correspondent à 15 thèmes. Nous remarquons que pour manifester sa masculinité et offusquer sa vulnérabilité, l'homme use de la violence envers sa femme et ses enfants pour s'auto-défendre. Dans les discussions libres nous débattons sur toutes ces difficultés que connaissent les hommes dans leurs responsabilités. »

La 10ème séance est le partage familial, nous joignons à ce groupe des policiers, leurs femmes pour témoigner de changements qui se sont opérés auprès de leurs maris après les 10 séances. Et lors de la célébration communautaire, nous leurs invitons encore de venir en couple.

Les changements sont visibles, par ce que, lorsque nous les invitons à la première séance, ce sont des hommes insouciants qui se présentent devant nous, certains sont même ivres. Mais après quelques séances, ils reviennent à l'ordre, ils deviennent plus disciplinés ; ils abordent certains sujets avec moins de brutalité, ils sont plus à l'aise et ouverts même pour le 5ème thème qui est celui de la sexualité.

La masculinité positive : « être un homme »

C'est le fait de se comporter de manière supposée propres aux hommes. C'est l'ensemble de caractéristiques de virilité de l'homme.

Dans toutes ces caractéristiques, la plupart dénotent un homme violent.Elles mettent l'homme dans une boite de masculinité à caractères violents. Et pourtant, il y a des caractéristiques qui n'incarnent pas la violence;

Ce sont notamment être: responsable, honnête, attentif, compatissant, prévoyant, travailleur, pacificateur, tendre, protecteur. Ces concepts caractérisent un homme sans violence, un homme positif.

C'est sur ces qualités que Living Peace, bâtie son objectif, qui est celui de reconstruire la société, la famille, la communauté des hommes positifs.

A l'issu de la formation, un policier déclare : "je ne montrais pas mon salaire à ma femme, c'était plus pour prendre la bière et me payer des relations avec d'autres femmes, je ne pouvais pas accepter que mes filles étudient, car je savais que faire étudier une fille ça ne sert à rien par ce que je le fais pour sa belle-famille. Mais après cette formation tous mes enfants étudient, je contribue aussi aux charges du ménage".

Une femme épouse d'un policier à la clôture des formations témoigne: « je suis vendeuse de braises, étant donné que j'ai eu seulement des filles, 5 au total, avec mon mari, il refusait de les faire étudier soi-disant que jusque-là je n'ai pas encore accouché par ce que je n'ai pas des garçons, il était très catégorique, chaque soir quand il arrivait à la maison, c'était le début des mésententes et des bagarres, je ne pouvais plus le supporter. Aujourd'hui, je suis impressionnée par le changement, c'est lui maintenant qui va payer pour les filles à l'école, il est régulièrement à la maison après son boulot, les voisins qui étaient habitués à nous entendre crier se demandent s'il est malade ou en voyage. C'est donc possible de devenir un vrai homme. »

L'implication des hommes dans la lutte contre les violences faites aux femmes

Les hommes sont généralement auteurs des violences faites aux femmes; leur prise de conscience de ce mal peut les amener au changement positif.

La plupart d'hommes ont été, d'une façon ou d'une autre, profondément affectés par la violence au sein du foyer, dans la rue, par la guerre, etc.

Les hommes occupent de bonnes positions dans différents organes de prise des décisions: au sein du ménage, dans la communauté, dans la société, etc.

La lutte pour la promotion de la femme a écarté l'homme; sans l'implication de l'homme dans la lutte il sera difficile de résoudre les problèmes liés aux violences.

La violence n'épargne personne. Les hommes et les femmes sont tous affectés d'une manière ou d'une autre. Et par conséquent, c'est la famille qui est détruite, la communauté aussi. Il est donc important que l'homme et la femme tissent une alliance, un partenariat pour lutter contre la violence sous toutes ses formes.

Selon l'ancien évêque MUNZIHIRWA (Bukavu, RDC) la société est considérée comme un oiseau qui a deux ailes dont l'une est masculine et l'autre féminine. Cet oiseau ne pourra se déplacer que lorsque les deux ailes sont en mouvement. Cela veut dire que pour un développement harmonieux et durable, il est impérieux de prendre en considération l'homme et la femme à la fois car ces derniers sont au centre de toute activité.

Yvette Mushigo